[CRITIQUE] Creed 2

  creed 2 affiche cinemashow

SYNOPSIS: La vie est devenue un numéro d’équilibriste pour Adonis Creed. Entre ses obligations personnelles et son entraînement pour son prochain grand match, il est à la croisée des chemins. Et l’enjeu du combat est d’autant plus élevé que son rival est lié au passé de sa famille. Mais il peut compter sur la présence de Rocky Balboa à ses côtés : avec lui, il comprendra ce qui vaut la peine de se battre et découvrira qu’il n’y a rien de plus important que les valeurs familiales. 

Sans verser dans le romantisme ou faire preuve d’une naïveté suspecte, la naissance de la saga d’Adonis Johnson, au delà des considérations purement mercantiles, trouvait son origine dans le rêve et l’ambition tenace d’un jeune homme devenu réalisateur qui, auréolé du succès et de la reconnaissance apportés par son premier long métrage (Fruitvale Station, 2013) avait pu convaincre Sylvester Stallone de le suivre dans ce projet. L’idée de voir Rocky passer le flambeau à Creed, l’accompagner et même le guider comme avait pu le faire Mickey (Burgess Meredith) Goldmill excitait, autant qu’il faisait peur, aux fans de l’une des plus grandes sagas de l’histoire du cinéma, dont l’auteur de ces lignes fait partie.

Ryan Coogler avait su saisir ce qui fait l’essence de la saga Rocky, ce qui a fait que l’histoire et le parcours de ce jeune boxeur de Philadelphie a touché si durablement le public, a inspiré toute une génération de spectateurs, pour le transposer dans un récit ancré dans notre époque, avec des enjeux propres au personnage d’Adonis. Sans se laisser écraser par l’ombre tutélaire de Rocky, Creed lui avait rendu un très bel hommage et trouvait sa propre identité, tissait une belle relation entre les deux boxeurs (à travers laquelle Coogler parlait aussi de la relation avec son père), même s’il manquait un peu trop de chair à nos yeux , passant notamment à côté de son dernier acte.

 

Trois ans après avoir réussi son acte de naissance, Creed revient avec un nouveau réalisateur, comme cela avait été le cas pour Rocky II, Sylvester Stallone succédant à l’époque à John G Avildsen qui préféra alors réaliser Slow Dancing In The Big City, scénarisé par sa compagne. On sait que Ryan Coogler n’a pas volontairement choisi de passer la main et y a été contraint par la volonté de lancer Creed II rapidement, à un moment où il ne pouvait pas se libérer. Autant les changements de réalisateur sur les 6 Rocky ne faisaient naître aucun doute sur le fait que l’ADN de la saga serait préservé (Avildsen a réalisé les volets 1 et 5, Stallone les autres), autant le doute était permis avec Steven Caple Jr, même si celui-ci est très proche de Coogler qui a collaboré au scénario avec Stallone. Entrant en salle avec des doutes, nous en sommes sortis avec des certitudes et un constat très amer: quelque chose s’est cassé ou plutôt n’advient jamais dans ce Creed II dont son réalisateur ne semble savoir que faire. Il est difficile de trouver des excuses et de faire preuve de clémence avec un film qui se veut inspirant et doit l’être au regard de ce qui le constitue, qui se veut également entraînant comme pouvait l’être Rocky IV dans les pas duquel il marche clairement, et qui se révèle au final aussi peu inspiré, pauvre en émotion, mou dans ses scènes de boxe, comme ses scènes intimes.

Plutôt que d’être dans la logique de construction et de progression d’un Rocky II, Creed II a fait le choix étonnant d’être Rocky IV, de ne pas être une suite directe dont l’enjeu serait la conquête du titre mondial, de ne plus envisager Adonis comme un underdog, un challenger, mais comme un champion établi qui va être défié par un adversaire à la force surhumaine contre lequel il a un contentieux personnel. Le jeune homme en quête d’identité qui se voit offrir, grâce à son nom, une chance contre le champion, est devenu le boxeur à battre. Ce choix scénaristique fait que l’on perd une partie du lien construit avec Adonis et son rêve de devenir champion du monde qui, pensait-on, aurait dû être le point culminant de ce deuxième volet, comme cela l’avait été dans Rocky II. Cet événement devient anecdotique, expédié au début du récit et met en lumière ce qui sera l’un des boulets du film: l’incapacité de Steven Caple Jr à nous faire entrer dans ces combats filmés platement sans aucune idée, si ce n’est quelques plans en caméra subjective où les coups pleuvent sur la caméra. La perte de Coogler et de sa chef opératrice Maryse Alberti se fait ainsi immédiatement sentir, tant ils avaient su rendre ces scènes immersives et faire monter l’adrénaline du spectateur.

 

Le sacre d’Adonis est ainsi escamoté dans une scène de combat expédiée et filmée sans aucune énergie, puis même saccagé par une vanne assez pitoyable qui fait passer Adonis pour un kéké et éteint l’émotion que l’on aurait dû ressentir. Le mal se répète à chacune des étapes importantes du parcours personnel d’Adonis et, notamment, de sa relation avec Bianca (Tessa Thompson), autre point fort du premier Creed, qui perd ici une grande partie de son charme et de l’alchimie assez exceptionnelle que l’on sentait entre ses deux personnages. Si Steven Caple Jr se montre très peu inspiré, il faut reconnaître qu’il compose avec un scénario brinquebalant et programmatique qui a voulu griller les étapes et se connecter au 4ème épisode de Rocky.  De fait, il embarque à toute vitesse et très maladroitement des éléments qui auraient pu et dû faire l’objet d’un film à part entière et empruntent à la fois à Rocky II et même au III, Viktor Drago étant certes un molosse invincible, comme son père Ivan , mais aussi, un boxeur qui comme, Clubber Lang, a une rage et une volonté de reconnaissance qu’a perdu le champion. Une scène est même assez éclairante de ce point de vue et ceux qui, comme l’auteur de ses lignes, pleurent encore à chaudes larmes quand Adrian dit à Rocky, venu la voir à la maternité avant son combat contre Apollo  « Il y a une chose que je veux que tu fasses pour moi. Gagne! Gagne! » (Rocky II), se diront probablement que Creed II passe totalement à côté de son sujet.

S’il échoue à émouvoir, malgré toute la bonne volonté de Michael B. Jordan qui semble bien le seul à être totalement investi dans son rôle, on attendait de Creed II, qu’il nous donne une bonne décharge d’adrénaline, qu’on doive résister à l’envie de nous lever de notre siège pour faire du shadow boxing et encourager Adonis. De ce point de vue, pour la grande majorité des fans de la saga Rocky, le 4ème volet, pourtant loin d’être objectivement le meilleur film, tapait home run sur home run dans des séquences d’entrainement mémorables et un combat final qui occupait un bon quart de la durée totale du film. Aujourd’hui encore, lorsque l’on se repasse ces scènes d’entraînement, ces clips improbables et  ce combat final, la reconnexion au film est immédiate et la décharge d’adrénaline fera sentir ses effets pour le reste de la journée. On en est très loin dans Creed II et on se désespère, avant de s’agacer franchement de faire le constat que l’on en arrive à s’ennuyer devant ce qui est censé être la grande scène d’entrainement, à ne pas partager l’anxiété et l’envie d’en découdre d’Adonis dans les minutes qui précèdent son entrée sur le ring. A nouveau, comme dans le premier Creed, on se prend la tête entre les mains devant l’absence totale d’ambiance de cette salle remplie de spectateurs numériques, cette sensation de coupure du réel, de combat filmé et monté par des gens qui n’ont jamais vu un match de boxe dans leur vie. Quant au combat lui-même, on se rappelle que les coups de Dolph Lundgren avaient envoyé Stallone aux soins intensifs, que la mise en scène transmettait une énergie folle et, là encore, on se désespère, devant un combat filmé sans énergie, sans idée de mise en scène, qui ne se sauve du naufrage qu’en jouant une carte ultime et imparable qu’on vous laisse découvrir.

On aurait très sincèrement voulu aimer Creed II, malgré nos réserves nées dès la découverte de son scénario et l’identité de son réalisateur. Peut-être en attendions nous trop, au vu de la place occupée par Rocky dans notre panthéon cinéphile et même dans nos cœurs mais aussi de la très belle surprise que fut le Creed de Coogler. Le constat n’en est pas moins clair et inévitable, encore plus si on réalise qu’il aura fallu attendre le dernier paragraphe de cette critique pour parler de l’interprétation de Sylvester Stallone, qui continuera toujours de nous émouvoir par un seul regard, mais qui traverse tout de même le film comme un fantôme, bien qu’il y ait un grand nombre de scènes. Quelque chose semble éteint en lui, tout du moins jusqu’à sa scene finale où il se reconnecte enfin totalement à Rocky. Il a depuis déclaré souhaiter définitivement tourner la page et dire adieu à ce personnage dans lequel il a tant mis de lui-même. Il est sûrement temps aussi pour nous de lui dire adieu et de laisser son « héritier » suivre sa route dans ses probables suites.

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