Festival Chic Planète 2017 [CRITIQUE]Les Sans Espoir (1966) – Miklos Jancso [B+]

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Synopsis:

Budapest, 1869. En ces temps de disette, les crimes et les vols se multiplient. Le peuple, accablé par un pouvoir impitoyable, chante encore la rébellion des sans-espoir, qui ont défié l’autorité en participant à l’insurrection de 1848. Les derniers partisans, devenus brigands, sont pourchassés par le comte Gédéon Roday, le commissaire général qui a juré de les exterminer par tous les moyens. L’action prend place dans un fortin isolé où sont regroupés des paysans soupçonnés de faire partie des sans-espoir.

Si le festival Chic Planète nous avait offert avec Oncle Boonmee une séance enchanteresse durant laquelle nous avions pu explorer ce que l’esprit humain a de plus mystérieux et fascinant, les Sans-Espoir nous confrontent à sa face la plus sombre, à la lâcheté et la cruauté dont sont capables des hommes devenus des pions dans un conflit dont les véritables enjeux les dépassent. Comme pour Oncle Boonmee, il serait facile de fuir ce genre de séance en se laissant enfermer dans ses à priori sur un cinéma méconnu et au sujet duquel le grand public entend plus les railleries que les louanges. Aller voir un film hongrois en noir et blanc ne sera en effet pour beaucoup guère plus engageant que d’aller voir un film thaïlandais dont on n’arrive pas à prononcer le nom du réalisateur. Depuis quelques années, le cinéma hongrois revient au premier plan  et commence à voir son image austère évoluer grâce à des cinéastes comme György Pafi (Taxidermia, Free Fall), Laslo Nemes (Le Fils de Saul), Kornel Mundrunczo (White God) qui font beaucoup parler d’eux dans les différents festivals où ils sont sélectionnés. Cette génération rappelle celle glorieuse des années  60 qui fut la première à briller dans les festivals et à connaître le succès hors de ses frontières. Miklos Jancso en était l’un des fers de lance en compagnie notamment d’Andras Kovacs (Les Intraitables, Jours Glacés) et  Ferenc Kosa (Les Dix Mille Soleils qui remporta le grand prix de la mise en scène au festival de Cannes de 1967).

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Lorsque Mikos Jancso réalise Les Sans Espoir en 1966, la Hongrie est alors en partie libérée du poids de la censure et son cinéma commence à se pencher sur son histoire. Les Sans Espoir nous montre le destin tragique de ces hommes et femmes, résistants traqués sans relâche par le pouvoir qui les considère comme des criminels et qui quelques années auparavant avait écrasé la révolution hongroise débutée en 1848. Ces hommes et ces femmes enfermés dans un fortin perdu au milieu d’une plaine déserte n’ont d’autre illusoire espoir d’en sortir quand se dénonçant les uns les autres, en offrant en pâture l’un de leur compagnon de lutte qui s’est rendu coupable de plus de meurtres. Ce qui se joue là, au delà de la tragédie, a quelque chose d’absurde que rend parfaitement bien la mise en scène de Miklos Jancso lequel a opté pour un dispositif qui, reconnaissons le, peut paraître austère. Les plans d’ensemble et les plans-séquence nous tiennent d’abord à distance, nous mettant dans une position d’observateur du récit plus que d’acteur. L’absence de musique concoure également à l’aspect clinique de la mise en scène de Mikos Jancso qui mise sur ce qui se passe dans le plan, semble refuser d’intervenir pour surligner les enjeux dramatiques de son récit. Le rythme est lent et laisse le temps au spectateur de poser son regard, de réfléchir à ce qu’il voit.  Si le personnage de Gadjor est central durant la première moitié du film, Jancso passe d’un personnage à un autre, lesquels se passent une sorte de témoin maudit, chacun étant victime de la délation de l’un de ses camarades et n’ayant d’autre chance d’échapper à la mort qu’en faisant de même. Le propos n’est pas de s’attacher à un destin en particulier ou de donner une incarnation précise au mal mais , de façon presque documentaire, de poser un regard qui peut donc paraître froid sur ces années de terreur.

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Le film s’ouvre d’ailleurs sur une succession de dessins commentés par une voix off solennelle qui présente le contexte historique de ce récit. La mise en scène de Jancso s’attache avant tout à mettre en place le cadre dans lequel se noue le drame, disposant ses personnages comme des pions sur un échiquier, ceux-ci étant par ailleurs souvent alignés de façon géométrique dans ce fortin transformé en théâtre. Les interrogatoires, les minuscules cellules dans lesquelles on ne peut se tenir debout, les rondes absurdes et sans fin des prisonniers auxquels on a mis un sac sur la tête, Jancso montre et installe toute l’inhumaine et implacable mécanique mise en place par ces tortionnaires qui cherchent à briser toute volonté de révolte et solidarité entre les résistants. L’austérité de la mise en scène qui au début du récit nous tient à l’écart trouve sa pleine justification sur la longueur du film à mesure que la mécanique du récit illustrant les méthodes employées par les tortionnaires apparaît clairement. La violence physique n’est pas absente mais passe au second plan tant prédomine le climat de peur et de paranoïa qui fait ressembler ce fortin à une antichambre de l’enfer. Perdu au milieu de la steppe, ses murs paraissent presque dérisoires tant aucun échappatoire ne semble possible dans ce cadre dont les cloisons mentales sont les plus infranchissables. Les Sans-Espoir est certainement un film exigeant mais c’est un film absolument incontournable dont le propos n’a rien perdu de sa force et de sa pertinence.

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