Synopsis:
Les festivités battent leur plein dans un petit village bédouin en Israël, à la frontière de la Jordanie : Suleiman, déjà marié à Jalila, épouse sa deuxième femme. Alors que Jalila tente de ravaler l’humiliation, elle découvre que leur fille aînée, Layla, a une relation avec un jeune homme de l’université où elle étudie. Un amour interdit qui pourrait jeter l’opprobre sur toute la famille et contre lequel elle va se battre. Mais Layla est prête à bouleverser les traditions ancestrales qui régissent le village, et à mettre à l’épreuve les convictions de chacun.
Dans la lignée de Wajda (Haifaa Al-Mansour, 2013) et du sublime Mustang (Deniz Gamze Ergüven, 2015) , Tempête de Sable est à la fois un superbe portrait de femmes, un portrait d’une société ancrée dans ses traditions, et un choc entre deux mondes.
Née à Tel-Aviv, Elite Zexer raconte que c’est en suivant sa mère prenant des photos des femmes bédouines qu’elle eût l’idée de ce film qui nécessita 4 ans d’écriture. Son film a reçu le grand prix à Sundance et est en lice à l’Oscar du Meilleur Film Etranger pour Israël.
L’action se déroule dans un village bédouin en Israël. Alors que Suleiman, déjà marié à Jalila, va épouser sa seconde femme, Layla, sa fille ainée vit une relation amoureuse interdite avec un jeune étudiant d’une autre tribut. En effet, Suleiman a déjà organisé le mariage de Layla.
Filmé en quasi huis clos et en mode documentaire, on comprend que le cinéma d’Elite Zexer est fait de confrontations et d’enfermement à l’image de cette société bédouine refusant toute évolution et vissée sur ces traditions ancestrales.
La deuxième scène va nous plonger directement dans cet univers où le mariage, synonyme de joie et de bonheur, est en fait une humiliation pour Jalila, mère et première épouse de Suleiman. Car dans cette société, la mère-épouse et femme doit subir les désidératas de son mari, s’occuper de la maison, organiser les festivités du mariage et élever les enfants sans jamais perdre la face.
A l’opposé, sa fille Layla ne veut pas subir la même destinée. Etudiante, elle voit la société israélienne ouverte où on peut sortir avec la personne de son choix. La metteur en scène nous dévoile une université ouverte, lumineuse en opposition au carcan familial où la maison est souvent sombre, sale.
Le film bascule dans le drame lorsque Jalila découvre la relation interdite de sa fille. On suit tout le questionnement intérieur de cette mère : doit-elle accepter une vie meilleure pour sa fille ou perpétrer les coutumes de sa tribu comme elle et ses ancêtres l’ont vécu. La force du film est dans ce retournement de situation où une empathie se créé avec le personnage extrêmement dur de la matrone qui nous avait repoussé dans un premier temps. Le propos devient ainsi universel : peut-on décider de sa propre vie ou laisserons-nous les autres la décider pour nous ?
Suleiman, superbement interprété par Hithan Oumari, n’est pas non plus le père tyrannique que l’on croit. La première scène nous montre un père laissant sa fille conduire. Cependant ce père aimant, à l’image de l’homme bédouin a une réputation à tenir. Lâche devant les siens, autoritaire devant ses connaissances, il fait de sa réputation l’enjeu de Il reprend le volant dès l’arrivée au village. La réalisatrice nous laissera penser par moments que derrière cet homme intransigeant se cache un être plus sensible qu’il n’y paraît.
Malgré toutes ces qualités dans l’écriture des personnages ainsi que dans l’interprétation, on peut avoir un vrai regret pour ce film. On peut comprendre le choix de la réalisatrice de nous montrer un village bédouin authentique et le mode de vie de cette population en oubliant peut-être de faire un vrai film de cinéma romanesque. Le plan est suivi à la lettre et contrairement aux films précités, il se déroulera sans accroches et sans grands effets. En clair, il n’apportera pas une grande nouveauté dans la nécessaire lutte pour le droit des femmes et c’est donc un peu à contrecœur qu’on sort de la salle avec une vraie satisfaction d’avoir découvert un peuple dont je ne connaissais pas l’existence en Israël mais un défaut de renouvellement dans l’approche de cette problématique.
Jean Baptiste Coriou