Depuis plusieurs années, à mon sens depuis la famille Tenenbaum et la vie aquatique, la « hype » Wes Anderson a gagné la plupart des critiques, me laissant quelque peu dubitatif. Tout en reconnaissant le talent et la précision de sa mise en scène, je n’arrivais jamais à accrocher à son univers très particulier pendant toute la durée d’un film.
Ce ton doux amer, ce faux rythme, ces personnages à la fois caricaturaux et pleins d’humanité, la mayonnaise n’avait jamais vraiment pris.
Puis arriva Moonrise Kingdom que je finis par voir des mois après sa sortie et qui me rangea pour une fois dans le camp des admirateurs béats de Wes Anderson. Pour le non fan que je suis c’est donc évidemment son meilleur film et de très loin.
Pourtant, Moonrise Kingdom n’est pas un tournant dans sa filmographie, il ne marque pas de rupture de ton, de prise de distance avec son univers désormais bien codifié.
Mais question de dosage peut être, l’alchimie opère totalement et l’immense talent d’Anderson (toutefois moindre que son homonyme, Paul Thomas) m’a sauté aux yeux à chaque scène.
La scène d’introduction est à montrer dans toutes les écoles de cinéma pour son sens du cadre et de l’espace et son utilisation totalement virtuose des travellings latéraux et du zoom (effet casse gueule s’il en est, qui peut être d’une ringardise et d’une lourdeur absolue ou tout simplement génial notamment chez Kubrick et donc aussi dans ce film).
Chaque plan est d’une précision diabolique, chaque mouvement de caméra, chaque effet, sert admirablement bien une histoire étonnamment touchante.
Sam et Suzy sont peut être des enfants psychologiquements fragiles et en tout cas vu comme tels par les adultes, ce sont pourtant les personnages les plus adultes du film. Le casting de ces adultes perdus et dépassés est magistralement porté par Bruce Willis, Edward Norton, Bill Murray, Frances Mc Dormand, Tilda Swinton, Jason Schwartzman et même Harvey Keitel qui fait une courte apparition. Quant à Kara Hayward (Suzy) et Jared Gilman (Sam), on reparlera très certainement d’eux. Même si Wes Anderson est un formidable directeur d’acteurs, il est évident que ces 2 jeunes acteurs feront le bonheur de bien d’autres réalisateurs.