3 Women (1977) ⭐⭐⭐⭐⭐- Robert Altman

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3 femmes c’est avant tout une histoire de séduction, d’amitié et de fascination entre 2 femmes, Millie Lammoreaux et Pinky Rose, colocataires et collègues au sein d’un centre de soins gériatriques en Californie.

  3 Women (1977)

La 3ème femme, Willie, habite dans leur résidence, dont elle est propriétaire et tient un bar improbable, perdu au milieu du désert californien, entre un mini golf abandonné, un centre de tir et une piste de motocross. Willie traverse les trois quarts du film comme un fantôme, Millie et Pinky la croisant dans le bar ou en train de peindre des figures mythologiques au fond d’une piscine vide (quand elle n’est pas endormie dans cette même piscine), sans jamais vraiment s’attarder sur elle. Ce n’est que dans l’ultime partie du film que Millie, Willie et Pinky seront  réunies pour une scène inoubliable.

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Millie est enceinte d’Edgar, un cascadeur aux allures de vieux cowboy ringard et dragueur, qui se vante d’avoir doublé un acteur de la série télé  » The life and legend of Wyatt Earp ».

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Le film commence avec la première journée de travail de Pinky (Sissy Spacek), jeune fille blonde au physique et au comportement d’adolescente qui sera formée par Millie (Shelley Duvall) pour laquelle elle ressentira une fascination immédiate.

Toutes deux sont originaires du Texas, portent le même prénom (on apprendra que Pinky s’appelle en réalité Mildred dont « Millie » est le diminutif) et partagent la même solitude, la même inadaptation au monde qui les entoure.

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Millie passe le plus clair de son temps à parler de ses recettes de cuisine qu’elle classe en fonction de leur temps de préparation. Plutôt coquette, elle porte toujours des tenues impeccablement assorties et semble se persuader que ses collègues et voisins l’apprécient, alors qu’aucun d’entre eux ne lui adresse la parole.

Elle déjeune sans ses collègues, dans l’hôpital voisin, à la table de médecins qu’elle s’efforce vainement d’intéresser/draguer avec ses conversations totalement creuses .

Shelley Duvall que l’on connaît surtout pour son interprétation hallucinée de Wendy Torrance dans le sublime SHINING de Stanley Kubrick, m’a totalement bluffé.

Dans 3 femmes, elle évolue dans un tout autre registre, tout en légèreté, naïveté et douceur. Son prix d’interprétation reçu lors du festival de Cannes de 1977 a justement récompensé une prestation parfaite de bout en bout, si ce n’est que cette chère Shelley demeurera toujours la plus mauvaise actrice du monde lorsqu’il s’agit de pleurer ou de jouer la peur (Stanley Kubrick en savait quelque chose…). Vous le constaterez dans une des scènes les plus fortes du film, où sa crise de larmes frise le ridicule et nuit quelque peu à la très grande tension dramatique.

Elle arrive à créer une grande empathie pour son personnage de fille rêveuse, saluant ses voisins et s’excusant de ne pouvoir se joindre à leur fête alors que ceux-ci cherchent à tout prix à l’éviter, coinçant systématiquement sa robe dans la portière de sa voiture, se faisant poser des lapins par ses rencards.

 

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Quant à Pinky, on ne sait pratiquement rien sur elle, sur son passé et ce qui l’a amenée à quitter le Texas pour travailler en Californie. Elle évolue dans son monde comme une petite adolescente à peine sortie de l’enfance, dévisage et s’amuse à suivre les jumelles travaillant avec elle, regarde ses autres collègues du coin de l’œil, fait des bulles dans son coca après s’être assurée qu’on ne la regarde pas, grimace, s’amuse avec un fauteuil roulant et ne semble avoir d’intérêt que pour Millie, dont elle n’aura de cesse que d’essayer de se rapprocher.

Apprenant que sa colocataire venait de déménager, elle s’empressera de décrocher l’annonce que Millie venait d’afficher dans le réfectoire de l’hôpital et saisira ainsi l’occasion de s’installer avec elle.

Sa fascination pour  Millie est totale et à ce stade du film, on pourrait même se demander si Pinky est une gamine perdue qui se cherche un modèle ou une psychopathe.. Après avoir visité son appartement elle lui avouera même qu’elle est la personne la plus parfaite qu’elle n’ait jamais rencontrée. Elle veut tout partager, tout connaître d’elle et au delà elle donne parfois  l’impression de vouloir absorber sa personnalité pour lui voler son identité.

[J’ouvre une petite parenthèse pour évoquer un point qui m’a frappé:

Ce thème de la fascination entre 2 êtres m’a renvoyé de façon troublante à un des thèmes centraux de la filmographie de Paul Thomas Anderson, lequel a toujours clamé son admiration pour Robert Altman (avec lequel il collabora sur son dernier film : The Last Show). Si on les a souvent comparés pour leur maitrise du film choral (Boogie Nights, Magnolia, Mash, Short Cuts, Nashville…), PTA semble avoir puisé un peu d’inspiration du côté de 3 femmes. La fascination de Pinky pour Millie renvoie à la fascination de Freddie pour Lancaster (The Master) à celle de John pour Sydney (Hard Eight), à celle d’Eddie pour Jack (Boogie Nights)…]

Sissy Spacek (qui comme Shelley Duvall a connu son heure de gloire grâce à un film déversant des flots d’hémoglobine) est parfaite dans ce rôle qui prendra de l’épaisseur tout au long du film pour dévoiler une personnalité très troublante dans la dernière heure où le film bascule totalement dans une inversion des rôles et une fusion troublante des personnalités… (mais à ce stade difficile d’en dire plus sans spoiler).

Par ailleurs, la bande son de 3 femmes est très surprenante et finalement pas très éloigné du travail effectué sur The Master (j’y reviens).

Le travail de Gerald Busby, dont ce sera la seule incursion au cinéma, est remarquable. Ses sonorités très travaillées, stridantes, intriguantes créent souvent le malaise et confèrent à certaines scènes une ambiance quasi fantastique jusqu’à atteindre son point culminant dans la scène la plus folle du film.

La mise en scène de Robert Altman est un modèle de fluidité et d’élégance. Son utilisation du zoom, toujours justifiée et intelligente m’a particulièrement impressionné. Il construit son récit avec beaucoup de précision, s’attarde sur des petits détails tout en laissant planer une grande part de mystère sur ses personnages. Il passe avec une grande virtuosité de scènes réalistes traversées par des petites touches d’humour féroce à de grandes scènes dramatiques et même à des scènes flirtant avec le fantastique. 

3 femmes pourrait presque être vu comme le film d’Altman  montrant le mieux toutes ses facettes.

Je ne suis  pas un spécialiste d’Altman, loin s’en faut, aucun de ses autres films ne m’ayant  autant enthousiasmé et passionné. Pour autant et avec ma relative connaissance de sa filmographie (que je vais revoir intégralement), j’ai reçu 3 femmes comme la synthèse parfaite de tout ce qui fait son cinéma.

J’y retrouve le ton de Mash et de Short Cuts, la précision de Nashville, la fluidité de the long goodbye.

Jusqu’à d’heureuses (re) découvertes, 3 femmes est donc à mes yeux le plus grand film d’Altman et un chef d’oeuvre passionnant qui sortira grandi de chaque nouvelle vision.

 

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