Ce film annonce la couleur dès le début et je n’ai pas souvenir d’avoir déjà vu une scène d’ouverture plus choquante en tout cas plus marquante. Ces petites écolières japonaises comme sorties d’un manga qui vont prendre le métro.
La caméra qui rentre sur le quai au coeur de la foule, à la manière d’un énième reportage sur le japon. Puis ces écolières qui sans la moindre peur, sans que rien ne laisse paraitre leur intention, se prennent la main et sautent joyeusement sous le métro…
L’explosion de chair et de sang qui suit… quel choc! quelle efficacité! et tout ce qui suit est animé par la même folie. on passe d’une scène d’horreur à un clip totalement kitsch de j pop, l’horreur pointe et se dévoile derrière chaque scène.
Autre choc: la scène du suicide sur le toit du lycée. De jeunes lycéens partent dans un délire d’assez mauvais goût sur la vague de suicide qui frappe le pays. C’est presque lourd et ça commençait à me sortir du film tellement ça virait au délire puéril d’ado en mal de sensation forte et voulant briller au sein d’un groupe.. et puis… et puis…ils sautent et la scène devient soudainement extrêmement choquante. Sono Sion filme avec détachement en prenant un malin plaisir à déverser des litres d’hémoglobine, à choquer en ne nous épargnant aucun détail (ah cette oreille arrachée par le rebord de la fenêtre…même moi qui peut aimer les films gores ça m’a traumatisé.
Ces changements de ton, de rythme (les passages de j pop qui arrivent comme un cheveu dans la soupe mais ne sont jamais places là par hasard) ces saillies gores qui traversent le film lui confèrent une force inégalable.
Je ne peux pas dire que j’ai adoré le film mais j’ai en revanche adoré l’état dans lequel il m’a mis. Je ne me le repasserai pas en boucle mais il continuera de me hanter pendant pas mal de temps. Certaines scènes (je pense aussi à celle ou la mère de famille se coupe la main en toute décontraction…) se sont imprimées durablement en moi.
C’est ce que j’aime dans le cinéma : il peut faire naître un plaisir simple et immédiat comme il peut aussi pousser le spectateur dans ses retranchements et lui faire perdre tous ses repères, prendre du plaisir devant une scène d’une violence et d’une perversité à priori insoutenable. Sono Sion est le maître absolu en ce domaine.
Il est possible de passer à côté de ce film, comme ce fut mon cas lorsque je l’avais découvert il y a quelques années. C’est suivant les conseils d’un grand spécialiste de cinéma asiatique, toujours passionné et passionnant (merci michel) que je l’ai finalement revu. Suicide club est un film exigeant qui ne peut se regarder avec paresse.
Au delà d’être un film totalement atypique et d’une violence totalement assumée, c’est aussi et presque avant tout le film d’un véritable artiste qui vient casser et se moquer de l’image totalement kitsch et artificielle que renvoie le japon et qui fait exploser les clichés sur la petite famille japonaise bien propre sur elle.
Ce film totalement barré souvent gore et presque poétique est aussi un film politique. Cette liberté de ton absolue de sono sion ne sert pas simplement une volonté de se défouler et d’être iconoclaste. Ayant ensuite découvert tout le reste de son oeuvre, j’ai pu vérifier que les films de Sono Sion ouvrent des pistes de réflexion totalement passionnantes