[CRITIQUE] Spiderman: Into The Spider-Verse (2018)

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SYNOPSIS: SPIDER-MAN : NEW GENERATION présente Miles Morales, un adolescent vivant à Brooklyn, et révèle les possibilités illimitées du Spider-Verse, un univers où plus d’un peut porter le masque…

Dans l’univers saturé et formaté des films de supers héros, encore plus dans celui d’une franchise qui en est déjà à son deuxième reboot, voir arriver une nouvelle proposition, une nouvelle façon de raconter une histoire qui ne peut plus guère réserver de surprises, fait souffler un vent d’air frais dont on souhaite sincèrement qu’il puisse emporter toutes nos réserves sur son passage. Si le personnage crée par Stan Lee est depuis plus de 5 décennies, l’un des plus populaires de l’univers des super-héros, c’est à notre sens parce qu’il touche à ce qui fait l’essence même de cet univers: une capacité à transcender le réel et permettre au spectateur de s’identifier à un personnage qui lui ressemble, qui a peut être traversé les mêmes épreuves que lui avant de se voir investir de supers pouvoirs qui vont transformer sa vie. Si on a envie de vibrer aux exploits de Spider-man et de le voir en découdre contre ses ennemis, on a au moins autant envie de passer du temps avec Peter Parker, jeune homme extrêmement attachant et drôle auquel on souhaite de réussir à être en paix avec lui-même et trouver son bonheur une fois retiré son costume de super-héros. Il est sans doute le super-héros le plus résilient, celui qui se relève de tout, qu’aucune épreuve dans sa vie privée, ni aucun ennemi ne peut mettre à terre. C’est ce qu’avait brillamment su traduire Sam Raimi, tout du moins dans les deux premiers films de sa trilogie, que l’on a un peu retrouvé dans Spider-Man Homecoming (Jon Watts, 2017), mais qui faisait vraiment défaut aux autres adaptations.

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Spider-Man: New Generation se reconnecte avec tout ce qui constitue l’ADN de ce super-héros et trouve un point d’équilibre absolument parfait et jubilatoire entre l’intime et l’épique, entre les enjeux personnels de Miles, ses responsabilités en tant que jeune homme et celles dont il hérite avec ses pouvoirs. L’histoire de Miles est celle d’un jeune homme de son temps. Issu d’un mariage mixte entre un policier afro américain et une infirmière latino, il écoute de la musique urbaine, en adopte les codes vestimentaires et essaie de s’intégrer à l’université huppée dans laquelle il a été admis, à la suite d’un concours ouvert aux jeunes issus de quartiers populaires. Ce point est évoqué brièvement au détour d’un dialogue avec son père mais néanmoins bien présent, Miles ayant le sentiment de ne pas être légitime à étudier dans ce prestigieux établissement. Avec ce personnage apparu pour la première fois dans un comic de 2011 scénarisé par Brian Michael Bendis (Alias, Ultimate Spider-Man, Spider-Woman …), il y a là, bien entendu, une volonté claire de mettre au goût du jour l’histoire de Spider-man, de permettre à un nouveau public de s’identifier à celui qui en revêt le costume et on craint forcément, au début du récit, qu’il ne s’agisse là que d’une démarche purement mercantile. Le titre français plutôt racoleur nous semble de ce point de vue très mal choisi quand le titre original Spider-Man: Into The Spider-Verse est tout à fait conforme à l’esprit du film. Les doutes s’envolent en quelques minutes devant la sincérité de l’entreprise constamment habitée par l’esprit du comic sans être dans la déférence ou dans la citation gratuite. Spider-man fait partie du monde de Miles et il en a sûrement lu les aventures mais il n’est pas présenté comme un fan et cela permet à ce récit d’avoir sa propre identité, sa propre couleur. Miles n’est pas un sous Peter Parker, il est un autre Spider-Man, parfaitement crédible, extrêmement attachant, dont la contamination puis la découverte de ses pouvoirs ne paraît pas être une énième redite d’une origin story vue et revue.

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Spider-Man: New Generation est le récit de Miles mais, au delà, son scénario lui permet d’explorer l’univers « étendu » de Spider-Man en intégrant des personnages évoluant dans des dimensions parallèles qui se retrouvent propulsées dans celle de Miles. Outre une autre version de Peter Parker, vont ainsi se joindre à Miles d’autres personnages ayant hérité des mêmes pouvoirs, que l’on a tous vu apparaître dans des publications Marvel comics plus ou moins récentes. Le Spider-Man noir, Spider-Gwen, Peni Parker et Peter Porker aka Spider-Ham. L’origin story de chacun d’entre eux est présentée rapidement,de façon très claire et ludique en mode « Le Spider-Verse pour les nuls », ce qui permet aux néophytes comme l’auteur de ses lignes, de ne pas être perdu dans cet univers. Spider-Man: New Generation fait également apparaître des bad guys emblématiques, en premier lieu l’incontournable Bouffon Vert mais aussi Le Caïd et Le Rôdeur, chacune des apparitions de ce dernier étant très réussies, accompagnées d’un thème musical particulièrement anxiogène et donnant lieu à des scènes de poursuite extrêmement dynamiques, parmi les plus bluffantes d’un film, qui en terme d’écriture comme de mise en scène peut regarder droit dans les yeux les plus grandes réussites du genre super-héroïque.

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Le cocktail offert par ce Spider-Man est imparable et nous fait revivre des émotions, un émerveillement que l’auteur de ces lignes avait pu connaître, adolescent, découvrant les premiers films du genre. On retrouve une émotion qui manque à tant de films de supers-héros qui sacrifient l’intime au spectaculaire, se retrouvant vidés de toute substance pour se limiter à n’être que de plus ou moins réussis tours de manèges dans la fête foraine organisée par DC et Marvel Comics.  Si le choix du cel-shadding pour l’animation avait fait craindre à beaucoup, lors des premiers teasers, une esthétique un peu terne, anachronique dans cette époque de surenchère visuelle qui ne semble avoir aucune limite, il permet au contraire une transposition à l’écran, très fidèle, du petit film que chaque lecteur se fait dans sa tête en parcourant les cases d’un comic book. La mise en scène joue énormément de cet aspect comic-booky et intègre ainsi des vignettes, des bulles de texte, transformant l’écran en page parfaitement lisible enrichissant le niveau de lecture du récit.  Le film de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman, dont le scénario a finalement été confié à Phil Lord (La Grande Aventure Lego) après plusieurs changements, joue brillamment sur plusieurs niveaux de lecture qui s’enrichissent mutuellement et font que les références ou autres easter eggs, pour nombreux qu’ils soient, ne sont pas plaqués et s’intègrent parfaitement et naturellement au récit. Comme tout grand film de super-héros, Spider-Man: New Generation traite à la fois d’enjeux personnels, propres à Miles, à son âge et sa situation sociale, mais aussi d’enjeux supers-héroïques qui n’ont de sens et de poids, que parce que le film nous a attaché au sort de ses personnages et qu’à travers leur résolution se joue quelque chose de plus intime. Comme peu de films de supers-héros, Spider-Man: New Generation parvient avec la même force à émouvoir et divertir, émerveiller et frissonner et probablement, comme aucun autre film avant lui, il arrive à  rendre compte de sa propre mythologie, à comprendre que derrière cette entreprise de divertissement massif se trouvent aussi des récits qui ont et continueront d’inspirer des générations de lecteurs.

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