[CRITIQUE] Mandy (2018) – Panos Cosmatos [B+]

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SYNOPSIS: Pacific Northwest, 1983. Red Miller et Mandy Bloom mènent une existence paisible et empreinte d’amour. Quand leur refuge entouré de pinèdes est sauvagement détruit par les membres d’une secte dirigée par le sadique Jérémie Sand, Red est catapulté dans un voyage fantasmagorique marqué par la vengeance, le sang et le feu… 

Nous avions découvert Panos Cosmatos avec Beyond the Black Rainbow, film mental directement connecté à ses obsessions et aux influences qui ont nourri l’adolescent cinéphile devenu cinéaste comme son père, George (Rambo 2, Cobra, Tombstone …). Nous avions d’abord été intrigués et même assez séduits par le premier tiers de ce rêve éveillé semblant tout droit sorti des années 80, avant d’en ressortir malheureusement perplexes, tant ce trip beaucoup trop long (1h50) avait fini par nous perdre dans les méandres de l’esprit de son metteur en scène. Tenant sur une seule note, finissant par épuiser son concept et rendre redondantes ses idées de mise en scène, le premier film de Panos Cosmatos fait partie de ces films devant lesquels on se « réveille » , comme un lendemain de cuite, pour s’interroger sur ce qui a bien pu nous séduire dans les premiers instants. Si l’on se gardait donc bien de placer trop d’espoirs dans la suite de la carrière de Panos Cosmatos, voir sa drôle de trajectoire rencontrer celle du plus wtf des acteurs américains a immédiatement fait naître en nous l’envie un peu masochiste de se précipiter en salles. A l’instar d’autres acteurs infiniment moins talentueux que lui, Nicolas Cage a fini par créer à lui seul un nouveau sous genre cinématographique: le Nicolas Cage Movie. C’est absolument désolant si l’on se rappelle de quoi il était capable avant ce suicide artistique (Birdy, Sailor et Lula, Leaving Las Vegas…) mais les nouveaux films du neveu de Francis Ford Coppola font partie des indispensables des soirées bières pizzas d’amateurs de bon gros nanars qui tachent. La rencontre entre Panos Cosmatos et Nicolas Cage promettait d’être aussi explosive que celle d’une allumette avec une flaque d’essence, ne restait qu’à savoir si nous pourrions apprécier le spectacle sans nous y brûler rapidement la rétine.

Mandy n’est pas un nouveau film avec un Nicolas Cage en roue libre qui donne l’impression de ne pas être dirigé et de décider de partir dans ses excès pour créer lui même la matière qui manque au film. Mandy est le Nicolas Cage Movie ultime, le film que l’on n’imagine pas un seul instant pouvoir tenir sur les épaules d’un autre acteur et dans lequel sa « folie » nourrit le récit et les expérimentations formelles d’un Panos Cosmatos au moins aussi habité que lui. Dans la continuité thématique – Cosmatos a écrit les 2 films à la même période juste après la mort de son père- et formelle de son premier film, Mandy fait exploser les émotions dans une véritable furia visuelle (quand Beyond The Black Rainbow les contenait/étouffait) qui fonctionne et ne lasse pas malgré ses excès. Là où Beyond the Black Rainbow nous laissait spectateur d’une installation artistique dont le sens nous échappait, Mandy est plus personnel et abouti. Il nous entraîne ainsi avec lui dans ses excès, dans sa caricature assumée, lorsqu’il bascule dans un revenge movie halluciné et hallucinant qui en laissera beaucoup sur le bord de la route.

Avec la longue exposition de son récit, Cosmatos a peut être pris le risque de frustrer, dans sa première partie, ceux qui attendent que le sang coule rapidement sous les coups de hache de Nicolas Cage, mais il a donné à son film les fondations qui manquaient cruellement à son premier essai. La propension de Cosmatos à étirer ses scènes à l’extrême, à les travailler de l’intérieur autant qu’il en soigne la forme, si elle peut ressembler parfois à une afféterie de mise en scène démontre sa pertinence et sa puissance dans les scènes entre Red (Nicolas Cage) et Mandy (Andrea Riseborough). En 3 ou 4 scènes maximum, par ailleurs très simples, Cosmatos parvient à donner de la chair et du cœur à son récit, à nous faire ressentir l’amour que Red a pour Mandy  (interprétée par une Andrea Riseborough hypnotique qui confirme qu’elle est capable de tout jouer). C’est ce qui nous permettra ensuite de prendre la mesure de sa douleur et de sa rage, d’ancrer le film dans une certaine réalité même lorsqu’il pourrait se perdre dans une surenchère que Cosmatos assume totalement.

Mandy est un trip psychédélique sous acide, un long cauchemar filmé au ralenti, enveloppant le spectateur dans un environnement visuel et sonore extrêmement travaillé (filtres de couleurs, nappes électroniques entêtantes, travail permanent sur le son) qui ne laisse aucun répit. Un tel parti pris peut fasciner ou se révéler oppressant et assez insupportable pour peu que l’on ne parvienne pas à lâcher prise. Chaque plan est travaillé, pensé comme un tableau grotesque ou horrifique qui compose le grand tableau final que Cosmatos a dans son esprit. Mandy est ainsi un condensé assez réjouissant et jouissif de toutes ses influences: il fait se rencontrer Clive Barker (l’influence d’Hellraiser nous paraît très explicite) avec The Wicker Man, transforme par instants Nicolas Cage en Bruce Campbell, lui sert sur un plateau des scènes dans lesquelles il peut laisser exploser toute la folie qu’il a en lui mais qui laissent heureusement aussi la place à un peu d’auto dérision et d’humour. Les têtes roulent, les tronçonneuses vrombissent avec un Nicolas Cage en héros badass dont on suit l’odyssée vengeresse, jusqu’aux portes de l’enfer auquel ressemblent de plus en plus les décors dans lesquels ils évoluent. Les fans de films d’action des années 80 reconnaitront Bill Duke (Predator, Commando …) dans un excellent petit caméo. Cosmatos a certainement beaucoup jubilé derrière son combo et nous aussi. Que l’on choisisse de s’attacher au parcours de Red ou qu’on ne veuille y prendre que la forte dose d’adrénaline qu’il délivre, le nouveau film de Panos Cosmatos est un « spectacle total » qui ne peut laisser indifférent (beaucoup de personnes ont quitté prématurément notre séance, quand d’autres riaient ou applaudissaient) et dont la réussite, à nos yeux, repose sur la folie et le talent de deux artistes qui ont peut être trouvé leur alter ego et sont au début d’une longue et fructueuse collaboration.

 

 

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