SYNOPSIS: Bannie au milieu d’un désert peuplé d’indésirables, une jeune femme tente de trouver sa place parmi les drogués et les cannibales.
Le genre du film post apocalyptique, tout comme l’est celui du film de vampires que revisitait Ana Lily Amirpour pour son premier film ( A Girl Walks Home Alone At Night), a été balisé par de tels chefs d’oeuvre que s’y aventurer est un sacré défi pour un metteur en scène qui va forcément être comparé à ses prestigieux prédécesseurs. Il s’agit à la fois de respecter les codes du genre mais aussi d’y apporter son univers, sa personnalité, pour que l’exercice ne soit pas vain au delà de sa réussite formelle. L’intelligence de Ana Lily Amirpour aura été une nouvelle fois de détourner le genre qu’elle visite ou plutôt de le customiser. Elle part d’une forme connue, d’une prémisse de film de genre pour y développer ses propres thématiques, y apporter sa sensibilité mais aussi sa versatilité, le récit passant du gore au mélo, du viscéral à l’expérimental. Avec The Bad Batch, elle confirme les promesses entrevues dans son premier film et transcende les limites de ce qui ressemblait alors trop à un excellent court métrage dont la durée aurait été étirée artificiellement.
The Bad Batch n’est pas un film post apocalyptique à proprement parler dans le sens où aucune catastrophe n’a frappé la planète ou même les Etats Unis. Ce sont les personnages qui s’y trouvent projetés, l’environnement dans lequel ils évoluent, la violence qui s’y exerce reprenant les codes du genre. A mesure qu’il se déploie, le second film d’Ana Lily Amirpour se révèle plutôt être un conte dystopique sur des mauvaises graines (qui donnent leur titre au film) rejetées par la société, forcées de survivre dans un environnement post apocalyptique. Bien que tourné avant son élection, The Bad Batch pourrait même être vue comme la première dystopie extrapolant sur les conséquences désastreuses du mandat de Donald Trump. Qu’ils soient sans papiers ou délinquants, le gouvernement américain les a expulsés dans le désert mexicain bordant la frontière du Texas, les forçant à survivre dans un environnement terriblement hostile et déshumanisé.
Le prologue du film installant l’univers de ce récit et présentant ses deux principaux protagonistes (Arlen et Miami Man) est le plus intense, le plus enthousiasmant que nous ayons pu voir depuis fort longtemps. Tout se passe d’abord du point de vue d’Arlen (Suki Waterhouse dont c’est le premier rôle) depuis son arrivée dans ce désert, expulsée par des policiers, jusqu’à son arrivée dans la ville de Comfort. Sans exposition, sans explication, Amirpour parvient à installer un climat de tension extrêmement fort.
C’est à travers l’enfer que va vivre Arlen que l’on découvre la barbarie qui sévit de l’autre côté de ce grillage sans fin, derrière lequel tentent de survivre des hommes et des femmes considérés comme des rebuts de la société, qui pour certains d’entre eux deviennent des rebuts de l’humanité. Avec un art consommé du décalage, une ironie grinçante, Amirpour filme l’horreur sur une bande son pop qui aurait pu ruiner ses scènes mais qui au contraire installe un malaise extrêmement oppressant. Le choix de ces musiques, diégétiques, montre à quel point ce que nous percevons comme de la barbarie est devenu un acte de survie, un acte du quotidien pour leurs auteurs, lesquels sont juste soucieux de ne pas être importunés par les cris de leurs victimes. En l’espace d’une seule scène, elle dit tout de l’improbable Romeo de son récit, Miami Man (Jason Momoa), amateur de musculation et de peinture, un cannibale avec une âme d’artiste.
Dans ce désert, la vie s’organise principalement entre deux camps: The Bridge dont les habitants sont des cannibales chassant sans pitié les malheureux fraîchement expulsés dans cet enfer et Comfort, dont les habitants vivent comme une communauté hippie, organisée par un protecteur/gourou qui se fait appeler « The Dream » (Keanu Reeves aussi bouffi qu’habité par ce rôle) et vit dans des conditions bien plus enviables.
The Bad Batch réussit à être à la fois un condensé très référencé des influences de sa réalisatrice et un film très singulier qui a sa propre fréquence, naïf et radical à la fois, frontal aussi bien dans sa sauvagerie que dans son romantisme. Il y a du George Miller dans cet univers à la Mad Max, du Quentin Tarantino et du Robert Rodriguez dans cette capacité à mixer les genres et à penser ses scènes autour de sa bande originale, mais il y a incontestablement beaucoup de la personnalité de sa réalisatrice. Comme A Girl Walks Home Alone At Night, The Bad Batch parle de solitude, d’inadaptabilité à la société, de refus de l’ordre établi et d’une romance à priori impossible. Il y a aussi des moments purement contemplatifs, des scènes qui s’étirent jusqu’à la limite que franchissait trop souvent son premier film. Ici, ces instants suspendus rendus envoûtant par la musique de Federale ne pas une afféterie de mise en scène. Ils dialoguent avec la solitude de ses personnages, avec l’immensité de ce désert que Ana Lily Amirpour magnifie et dont elle nous fait ressentir la chaleur écrasante. The Bad Batch est assurément l’un des films les plus singuliers que nous ayons pu voir depuis Southland Tales (Richard Kelly). C’est probablement parce qu’il ne ressemble à aucun autre dans un paysage cinématographique qui s’uniformise et recycle de plus en plus que nous aimons tant le second film de Ana Lily Amirpour.
Bonjour,
J’ai vu ce film de science-fiction sur Netflix il n’y a pas longtemps. Keanu Reaves et Jason Momoa sont mes acteurs préfères. Dans ce long-métrage, ce moment où Arlen est poursuivie par les cannibales m’a donné tellement de frissons. Par contre, je trouve qu’il y a un monde de différences entre la bande-annonce et le film.