
Après Tunnel et Inside men, voici un nouveau film de cette 11 ème édition du FFCP qui s’attache à dénoncer les travers de la société coréenne. Collective Invention ne prend ni la forme d’un film catastrophe dérivant en satire ne se départissant jamais de son sourire en coin (Tunnel) , ni d’un polar aux allures de gigantesque fresque écrasée par son ambition (Inside Men), mais comme un petite fable sur la différence.
Le titre et le thème du premier film de Kwon Oh Kwang lui ont manifestement été inspirés d’un tableau très célèbre de René Magritte (1935), représentant une sirène « inversée » (avec une tête de poisson et des jambes de femme) échouée sur une plage. Kwon Oh Kwang imagine en quelque sorte l’envers de cette scène, la réaction de la société coréenne face la découverte d’une telle créature et donne une explication rationnelle à son apparence ce qui lui permet, au delà de la fable sur l’acceptation de la différence, de développer notamment son propos sur le cynisme des société pharmaceutiques et l’impunité dont elles jouissent.
Collective Invention dit aussi quelque chose de cette jeunesse coréenne soumise à une forte pression sociale durant toutes leurs études. Avant sa mutation, « Gu » avait abandonné ses études au grand désespoir de son père (Jang Gwang) qui ne se privera pas de lui rappeler, en dénigrant par la même occasion son amie Joo-Jin ( Bo-Yeong Park), elle aussi peu intéressée par les études. La société coréenne cultive le culte de l’excellence, les jeunes étudiants sont pétrifiés à l’idée d’échouer et de fait, ceux qui s’affranchissent de cette pression sociale sont très mal considérés. On se dit ainsi que même sans une tête de poisson, l’avenir de « Gu » et sa place dans cette société n’aurait guère été plus reluisant. Collective Invention distille ce propos par petites touches, au travers de scènes ou de réflexions semblant anodines mais qui prennent du sens à mesure que se développe le récit.
Le personnage du père de « Gu » témoigne du fossé qui existe entre cette génération qui a bénéficié du « miracle économique » coréen et une jeunesse à l’avenir incertain, souhaitant s’affranchir du modèle imposé. Le culte de l’excellence est aussi dénoncé à travers la réaction des médias, insensibles au sort de « Gu » dès lors que l’expérience dont il a été victime pourrait à terme valoir à la Corée un prix Nobel de médecine. Il faut mettre au crédit de Kwon Oh Kwang d’être parvenu, grâce à l’intelligence de son postulat de départ et de son scénario, à traiter de thèmes aussi importants. Il n’en reste pas moins que sur le plan de la mise en scène et de la direction d’acteurs, on redescend de plusieurs étages et regrette qu’il n’ait pas insufflé plus d’inventivité et de poésie ce récit. La fable flirte trop souvent avec la farce pour que l’on s’y intéresse vraiment et bien que durant 1h30, elle parait même un peu longue. La mise en scène impersonnelle et l’image trop fade déçoivent et contribuent à ce que « Collective Invention » ne décolle jamais et donne le sentiment d’être sur des rails. Kwon Oh Kwang est plus à l’aise dans le registre de la comédie que dans celui du drame vers lequel glisse progressivement son récit.
« Collective Invention » aurait certes pu atteindre d’autres hauteurs mais il s’agit tout de même d’une belle découverte,d’un beau petit film, un peu bancal dont le propos nous a touché.