Synopsis:
Petite, Rebecca a toujours eu peur du noir. Mais quand elle est partie de chez elle, elle pensait avoir surmonté ses terreurs enfantines. Désormais, c’est au tour de son petit frère Martin d’être victime des mêmes phénomènes surnaturels qui ont failli lui faire perdre la raison. Car une créature terrifiante, mystérieusement liée à leur mère Sophie, rôde de nouveau dans la maison familiale. Cherchant à découvrir la vérité, Rebecca comprend que le danger est imminent… Surtout dans le noir.
Le court-métrage permet de révéler de jeunes réalisateurs talentueux, trouvant là un terrain idéal pour expérimenter, affiner et affirmer leur style,mettre en scène des idées et thèmes que l’on retrouvera parfois tout au long de leur carrière, . Si tous ne confirment pas les promesses entrevues dans ces premières oeuvres, les exemples de passages réussis au long métrage ont été nombreux ces dernières années. Parmi les plus célèbres et récents, on peut notamment citer Neil Blomkamp (Alive in Joburg ayant servi de matrice à District 9) et Gareth Edward (de Factory Farmed à Monsters).
L’année 2016 a déjà vu la confirmation de deux grands talents dont les courts métrages avaient impressionné: Dan Trachtenberg (de Portal no escape à 10 Cloverfiled Lane) et Julia Ducournau (de Junior à l’excellent Grave). Pour Lights Out, l’équation était compliquée et les doutes légitimes, dans la mesure où, aussi efficace était-il, le court métrage éponyme de David F. Stranberg ne durait que 2 minutes 30 sec et de fait, exploitait avec efficacité son pitch mais ne développait pas d’univers, contrairement aux courts métrages précités. Produit par Lawrence Gray (qui a notamment produit Hidden des Duffer Brothers) et le nouveau petit maître de l’horreur, James Wan, David F. Stranberg a sauté l’obstacle en réussissant (avec l’aide d’Eric Heisserer) à développer et non, étirer artificiellement, son idée de départ très simple, reposant sur cette peur du noir, irrationnelle, que la majorité de ses spectateurs ont connu, au moins dans leur enfance.
Lights Out s’avance en terrain miné, celui où le jump scare est inhérent au sujet et donc essentiel. Cet ingrédient indispensable sert trop souvent de cache misère à des réalisateurs incapables d’installer une ambiance oppressante et traitant la peur comme un état d’hystérie et non de façon viscérale, comme un mal qui ronge ses personnages et se transmet aux spectateurs, rendant le film suffocant. Si Lights Out use volontiers du jump scare, de façon fort efficace, c’est ce qu’il montre et raconte entre ses scènes qui fait sa réussite.
David F. Sandberg évite plusieurs écueils qui plombent tant de films d’horreur, formatés et sans âme, qui pensent privilégier l’efficacité en réduisant au maximum leur exposition, laissant à leurs personnages, sans charisme, quelques miettes ou dialogues inconsistants, entre les jumps scares et leur disparition sanglante. Les protagonistes de cette histoire ne sont pas des pantins attendant leur moment de gloire consistant en une course hystérique dans un couloir sombre et un face à face, aussi bref que fatal avec le boogeyman. On pouvait pourtant avoir quelques craintes en découvrant Rebecca (Teresa Palmer) , jeune adulescente, rebelle, amatrice de hard rock et son copain rockeur, Bret (Alexander Di Persia) qu’on pourrait imaginer figurer au casting d’un remake de Hartley coeur à vif. Heureusement, Teresa Palmer est une excellente actrice, dont le jeu, très direct et naturel, n’est pas sans rappeler celui de Kirsten Stewart. Son personnage est un archétype mais elle l’interprète avec un naturel qui emporte l’adhésion. Sa relation avec Bret est à priori basique (refus de l’engagement: je veux mon indépendance/je t’aime mais ne te le dis pas), mais elle s’avère suffisamment touchante pour ne pas faire cliché. David F.Sandberg aime ses personnages, cela se sent et donne au film ce supplément d’âme indispensable pour qu’on se sente impliqué dans cette histoire et non spectateur pervers d’un petit jeu de massacre. Le jeune demi-frère de Rebecca est interprété avec un charisme et une maturité étonnante par Gabriel Bateman (dont la ressemblance avec le jeune Jeff Bridges est troublante), dont le personnage prend à rebours le cliché habituel du gamin fragile et rêveur parlant à son ami imaginaire.
La peur du noir est ici incarnée par Diana, l’amie imaginaire avec laquelle parle sa mère, Sophie (Maria Bello), qui rode dans la maison comme une menace permanente, dès lors que les lumières sont éteintes. Le schéma maman courageuse/enfant perturbé ou possédé est donc inversé et cela crée un malaise dès les premières minutes, face à cette mère dont on se demande si elle souffre d’une grave dépression contaminant son entourage ou si elle est la victime de cette « amie » qui la manipule. Dans cette grande maison plongée dans une obscurité permanente, Sophie est-elle une « Baby Jane » (qui subissait la tyrannie de sa soeur Blanche dans le chef d’oeuvre de Robert Aldrich), ou une femme dépressive, brisée par la mort de son mari, dont la maladie contamine ses proches? C’est sur cette trame que se construit le film qui peut alors mettre en oeuvre sa mécanique très efficace, qui emporte l’adhésion dès la première apparition de la silhouette terrifiante de Diana qui apparaît dans l’obscurité puis disparaît dans la lumière de ce grand hangar.
Ce « monstre » tapi dans le noir, surgissant pour semer la mort est non seulement graphiquement très réussi mais son histoire et son lien avec Rebecca, loin d’être des artifices, ancrent le récit dans une « réalité » qui permet à la tension, remarquablement installée dès la première scène, de ne jamais retomber. La mécanique, parfois répétitive, inhérente au genre ne l’emporte jamais sur les enjeux posés et incarnés par des personnages qui existent par eux-mêmes et pas seulement comme futures ou potentielles victimes.
Lights Out sait aussi passer à la vitesse supérieure dans des scènes de confrontation très réussies qui arrivent à ne pas être répétitives et exploitent les possibilités offertes par cet ennemi (intime et intérieur) que seule la lumière peut arrêter. Le travail du directeur photo Marc Spicer met constamment en valeur les idées de mise en scène de David F. Stranberg qui développe avec inventivité un concept de départ qui pouvait paraître mince, sans donner le sentiment de l’épuiser.
Lights Out est construit comme un drame dans lequel est injectée de l’horreur, aussi sincère et intelligent dans son propos et ses intentions que généreux et efficace quand il bascule franchement dans le genre. Il devrait vous convaincre au delà même du temps d’une séance, tant il réussit là ou la grande majorité de ses semblables échouent, jusqu’à sa conclusion très noire qui n’a pas manqué de faire polémique.