[CRITIQUE] Love and Friendship (2016) – Whit Stillman [B+]

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Synopsis:

Angleterre, fin du XVIIIe siècle : Lady Susan Vernon est une jeune veuve dont la beauté et le pouvoir de séduction font frémir la haute société. Sa réputation et sa situation financière se dégradant, elle se met en quête de riches époux, pour elle et sa fille adolescente.
Épaulée dans ses intrigues par sa meilleure amie Alicia, une Américaine en exil, Lady Susan Vernon devra déployer des trésors d’ingéniosité et de duplicité pour parvenir à ses fins, en ménageant deux prétendants : le charmant Reginald et Sir James Martin, un aristocrate fortuné mais prodigieusement stupide…

Si Whit Stillman est aujourd’hui encore, malgré une filmographie peu fournie et de longues périodes d’absence, une des figures cultes de la comédie « indépendante » américaine, il doit principalement ce statut à son premier film, Metropolitan, sorti en 1990. Déjà fortement influencé par Jane Austen, romancière anglaise du 18ème siècle, Whit Stillman posait un regard plein d’ironie sur la haute bourgeoisie, sur le comportement de leurs membres ou aspirants, prêts à tout pour acquérir ou asseoir leur statut social.

Il n’y a donc rien de surprenant à ce qu’il ait finalement choisi d’adapter un roman de Jane Austen, Lady Susan, en reprenant par ailleurs le titre d’une de ses nouvelles « Love and Friendship » dont le sous titre résume le ton du film: « deceived in friendship and betrayed in love ».

Il est en effet notamment question de trahisons amoureuses et de déceptions amicales dans la haute bourgeoisie anglaise du 18ème siècle. Lady Susan Vernon (Kate Beckinsale) est au centre de ces intrigues et jeux de faux semblant auxquels Whit Stillman arrive à insufler une vraie modernité, dépoussiérant un genre dont on pouvait se croire lassé.

L’ironie avec laquelle est traitée chaque personnage, le soin apporté à leur écriture et le plaisir palpable pris par leurs interprètes sont réjouissants. Cela permet de ne jamais ressentir la « barrière » du film à costumes et d’être totalement impliqué dans ce petit jeu dont lady Susan est l’instigatrice.Brillante et manipulatrice, elle sait tirer les ficelles de ce monde, avancer ses pions, user de son grand pouvoir de séduction pour assurer son avenir et celui de Frederica (Morfydd Clark), sa fille de 16 ans, promise à son riche et stupide courtisan. Archétype de l’imbécile heureux, Sir James Martin (Tom Bennett) est le François Pignon de la haute bourgeoisie, cible privilégié de moqueries qu’il ne perçoit pas, sa fortune fait de lui un parti très recherché par les courtisanes désireuses d’asseoir leur place dans une haute société dans laquelle les rapports entre les individus sont régis par l’argent. Le jeu très subtil de Tom Bennett  lui permet de ne pas tomber dans la caricature et chacune de ses scènes est un petit bijou de finesse et d’humour. Si Whit Stillman ne néglige aucun de ses personnages, arrivant pour chacun d’eux à jouer sur les archétypes et les déconstruire,  Sir James Martin est probablement sa plus grande réussite et la révélation d’un acteur qui, espérons le, saura éviter de s’enfermer dans ce type de rôle (les propositions seront sûrement nombreuses).

Face à Lady Susan, Sir James Martin, n’est pas finalement guère plus démuni que les autres « victimes » de cette femme qui déjoue les codes et les conventions d’une société qui devait la cantonner au rôle d’épouse docile puis de veuve éplorée. Mère sans scrupules, veuve joyeuse et libérée, briseuse de couples, Lady Susan se joue de ses prétendants comme de ses amis avec un cynisme et un charme qui rappelle un certain Redmond Barry, devenu Sir Barry Lyndon. L’analogie peut d’ailleurs être faite avec les interprètes, le choix de Kate Beckinsale pouvant paraître au départ aussi surprenant que celui de Ryan O’Neal et leur interprétation, au final,  absolument remarquable. Elle dissimule son cynisme et sa cupidité derrière un charme et une habileté désarmante qui permet de s’identifier à ses victimes, ou tout du moins de ne pas les juger trop stupides pour être dignes d’intérêt.  Dans ce monde de faux semblants, sa seule véritable amie ou plutôt sa confidente est Alicia (Chloe Sevigny), une américaine qui bien que malheureuse, ne quitterait pour rien au monde ce riche époux dont elle est complètement dépendante. Complice de Lady Susan dont elle envie la liberté, elle est la seule à connaître sa véritable nature. Quand bien même sa réputation la précéderait, comme le lui dit Reginald de Courcy (Xavier Samuel), lors de son arrivée dans la famille de son défunt mari, sa beauté et son intelligence sont un véritable poison pour des personnes dont le mode de pensée est aussi formaté par les conventions de la société victorienne.

Whit Stillman se joue des conventions du genre et le modernise, sans le trahir, avec la même habileté que Lady Susan se joue des conventions sociales, repousse les bords du cadre dans lequel on tentait de l’enfermer, en veillant à ne jamais le faire exploser. Love and Friendship manie à la perfection l’ironie mordante, rit de ses personnages mais ne s’en moque pas. C’est drôle, redoutablement intelligent et on n’avait pas connu Stillman dans une telle forme depuis « Metropolitan ».

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