Synopsis:
Le destin extraordinaire des trois scientifiques afro-américaines qui ont permis aux États-Unis de prendre la tête de la conquête spatiale, grâce à la mise en orbite de l’astronaute John Glenn.
Maintenues dans l’ombre de leurs collègues masculins et dans celle d’un pays en proie à de profondes inégalités, leur histoire longtemps restée méconnue est enfin portée à l’écran.
Les films sur la compétition spatiale que les USA livrèrent à l’URSS, en pleine guerre froide, ont donné lieu à tant de films, à la qualité inégale, qu’il était difficile de s’enthousiasmer à l’annonce d’un nouveau projet (le plus connu étant « L’étoffe des Héros » de Philip Kaufman et le plus sous-estimé l’excellent « The Countdown » de Robert Altman) .
Si les figures de l’ombre se replonge dans cette période, son originalité tient à ce qu’il le fait par le prisme du contexte racial et social de l’Amérique du début des années 60. Le récit repose sur l’histoire de ces trois femmes qui ont réussi à surmonter la double discrimination liée à leur condition de femme afro américaine dans cette Amérique où l’on préférait alors que les femmes restent au foyer et les noirs à l’arrière du bus. Il met en lumière une histoire vraie, le parcours méconnu de ces femmes noires employées par la NASA qui ont oeuvré dans l’ombre au succès des premières conquêtes spatiales.
Paradoxalement de par la faiblesse de son écriture qui abouti à enfermer ses trois actrices dans des personnages qui manquent de profondeur, n’évoluent pas d’un bout à l’autre du récit, ne donnant l’impression de ne servir qu’à illustrer son discours, le film de Theodore Melfi se maintient la tête hors de l’eau grâce à son casting masculin.
Kevin Costner , dans le rôle du directeur du Space Task Group chargé d’envoyer le premier homme dans l’espace et Jim Parsons dans celui de l’ingénieur avec lequel devra collaborer Katherine (Traji P. Henson) donnent à leur personnage la dimension que des dialogues sans saveur et une mise en scène académique ne leur aurait pas permis d’atteindre.
Traji P. Henson (Katherine), Octavia Spencer (Dorothy) et Janelle Monae (Mary) ne sont évidemment pas de mauvaises actrices mais la portée symbolique de leur rôle semble les écraser, comme s’il ne fallait jamais dévier de la caractérisation établie par le scénario et dévoiler la moindre faiblesse ou ambiguïté de ces 3 personnages que le film veut clairement iconiser. L’intention n’est pas condamnable quand il s’agit, dans une période aussi troublée, de mettre en lumière le parcours de femmes qui ont dû surmonter tant d’obstacles mais le résultat est fatalement sans saveur pour peu que l’on attende plus qu’une belle histoire dont on connaît déjà la fin. A notre sens, ce type de récit se prête plus à une diffusion prestigieuse sur HBO qu’à une sortie en salle.
Pour autant, si « les figures de l’ombre » propose peu de choses et s’en tient à ce qui semble relever d’un cahier des charges, il faut reconnaître qu’il le fait avec un savoir faire indéniable et avec une empathie contagieuse pour ses trois personnages féminins. La reconstitution historique est particulièrement réussie (la direction artistique a été récompensée par l’Award de la « Art Director’s Guild » face à des concurrents aussi sérieux que « Jackie » de Pablo Larrain et « Hail Caesar » des Frères Coen) en particulier dans le soin apporté à la reconstitution du centre de recherches. Rythmé par les compositions de Pharell Williams, le film est plus à l’aise dans la légèreté que lorsqu’il souligne puis rappelle lourdement et à maintes reprises, tant par les dialogues que la mise en scène, la chape de plomb qui empêche d’abord de s’accomplir ses 3 femmes débordant d’énergie, de courage et d’humanité, systématiquement ramenées à leur condition de femme afro américaine. Lorsqu’il trébuche dans un sentimentalisme mièvre pour traiter de l’histoire d’amour de Katherine, le film est sauvé par le charisme de Mahershala Ali (déjà extraordinaire dans Moonlight de Barry Jenkins, dans lequel Janelle Monae interprétait sa femme) qui pourrait illuminer n’importe quelle scène par sa seule présence. Le film tente de maintenir un équilibre entre ses 3 personnages féminins mais le récit de Katherine est de loin le plus intéressant et produit les meilleures scènes, notamment parce qu’il a face à elle les personnages les plus consistants et charismatiques (le collègue /antogoniste Paul Stafford, le supérieur bienveillant Al Harrison) sur le parcours qui la mènera à la reconnaissance. A l’opposé, Dorothy (Octavia Spencer) fait face à une supérieure intransigeante interprétée sans grande conviction par Kirsten Dunst et est réduite à jouer sur le même registre pendant tout le film.
Les figures de l’ombre est un de ces films qui ploient sous le poids de ses bonnes intentions et de son respect de l’histoire vraie qu’il veut mettre en lumière. Divertissant lorsqu’il se cantonne au registre de la comédie, il est malheureusement répétitif et peu inspiré/ inspirant lorsqu’il tente d’avoir un discours sur des pratiques discriminatoires qui n’appartiennent pas totalement au passé.