Heaven Knows Mr Allison – 1957 (John Huston) [B+]

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Géant parmi les geants du cinéma americain, réalisateur à la personnalité « bigger than life » , John Huston s’est essayé à différents genres avec une integrite et un souffle romanesque qui font de chacun de ses films, une aventure dont on ressort souvent sonné et admiratif. Moby Dick, Le tresor de la Sierra Madre et l’homme qui voulut être roi, pour ne citer qu’eux, sont encore aujourd’hui des films qui constituent l’adn cinematographique de la plupart des cinephiles qui ont eu la chance de les découvrir dans leur enfance.
Huston est un extraordinaire conteur qui ne travestit pas les tourments de ses personnages. Grandir avec ses films , c’est comme avoir auprès de soi un oncle marginal qui a tout vu, tout connu de la vie, de ses joies et injustices et qui vous transmet ce qu’il faut d’insouciance, de force et parfois de courage pour ne jamais renoncer ou céder à l’aigreur.
Pour lui réaliser c’est capter l’âme de ses personnages, talent très rare, qui contrairement au savoir faire technique ne s’acquiert pas avec l’expérience. Huston aime les insoumis, les héros passionnés et les losers magnifiques. Aussi hétéroclite que soit sa filmographie, ce goût pour les âmes insoumises et les destins brisés irrigue la plupart de ses films. Devant sa camera , les Brando , Taylor (reflets dans un oeil d’or), Bogart (le faucon maltais, le trésor de la Sierra Madre, Burton (l’oeil de l’iguane), Marylin Monroe (les desaxes) , Sean Connery (l’homme qui voulut être roi)trouvent quelques uns de leurs plus grands rôles en ce qu’ils apparaissent plus « à nu »que jamais.
Tourné juste après Moby Dick (1956), Heaven Knows Mr Allison, renoue avec la formule qui connut un grand succès dans African Queen (1951) et permis à Bogart de recevoir l’oscar du meilleur acteur qui semblait jusqu’alors se refuser à lui.
Comme Dirk Bogart et Katharine Hepburn, Robert Mitchum et Deborah Kerr incarnent des personnages qu’à priori tout opposerait (la nonne et le militaire) mais  qui ont en commun leur acte de foi, leur engagement total dans leur mission.
Huston place ses personnages dans un contexte hostile dont la guerre est la toile de fond et n’hesitant pas à flirter avec la comédie romantique , se concentre sur l’évolution de leur relation.
Mr Allison et soeur angela sont deux rescapés, deux naufragés de la vie (au sens propre pour Mr Allison) que leur « sacerdoce » et  la guerre auront laissé seuls sur cette île du pacifique sud, en apparence paradisiaque, dont la tranquillité sera rapidement troublée par le débarquement de troupes japonaises.
Deborah Kerr retrouve les habits de nonne dans lesquels elle livra une performance inoubliable dans « le narcisse noir »(1947) , le chef d’oeuvre intemporel de Michael Powell et Emeric Pressburger.
Robert Mitchum est déjà une immense star, ayant notamment déjà joué son rôle le plus emblématique dans la nuit du chasseur de Charles Laughton (1955).
Le charisme de ces 2 stars et leur complicité à l’écran sont les meilleurs arguments du premier tiers du film qui pourrait paraître anodin, porté par d’autres acteurs. Mr Allison et soeur Angela vont d’abord apprendre à cohabiter pour survivre sur cette île sans savoir s’ils pourront être secourus un jour. Le charisme « cool » de Mitchum sort son personnage de l’archétype du marine dont il parvient parfaitement à laisser paraître les fêlures qui rendront credible la naissance des sentiments pour soeur Angela.
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Deborah Kerr trouve elle aussi, le juste équilibre entre la rigidite de la fonction et les tourments de son personnage dont on perçoit le trouble que provoque la présence de ce soldat, arrivé sur cette île à la fois comme un sauveur et comme l’ultime épreuve mise sur son chemin pour tester sa foi, avant de prononcer ses voeux.
Face au danger représenté par le débarquement des japonais, chacun retrouve un peu son rôle mais se rend compte également que l’amitié et le respect qui les unit cachent des sentiments plus forts. Le film ne bascule pourtant à aucun moment dans la mièvrerie ou le roman de gare, lesté du poids des conventions et de la foi de soeur angela qui paraîssent devoir empêcher cet amour de se concretiser. On s’attache énormément à ces deux personnages « Hustoniens »: Mr Allison, dont la sensibilité et la spontanéité presque enfantine porte le film très haut et soeur Angela, dont la mission divine semble lui interdire le bonheur. Le talent de conteur de Huston fait que cette histoire, aussi simple soit elle, nous capte comme un bouquin dont on tournerait les pages sans pouvoir s’arrêter, suspendu au destin de personnages, admirablement caractérisés. Ce genre d’histoire peut même aisément se passer de happy end sans générer de la frustration. Le recit est aussi fluide que la mise en scène de Huston, c’est du grand cinéma populaire, simple, divertissant et émouvant. Un cinéma qui n’oublie pas les thèmes chers à son auteur qui l’air de rien, en profite pour glisser une petite charge contre la religion. Pour comprendre et apprécier des réalisateurs contemporains, érigés un peu hâtivement comme des références insurpassables, il est précieux et même indispensable de remonter le temps et revenir aux sources de leur inspiration. À ce titre la sortie en salle de « Heaven knows mr Allison », le 17 août, est un don du ciel.
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