[CRITIQUE] Glengarry Glen Ross (1992) – James Foley [B+]

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Comme le déplore Michel Ciment: pour juger du talent d’un réalisateur, on a souvent tendance à considérer l’ensemble de sa filmographie, plutôt que de retenir ses sommets. Comme s’il fallait donner une note moyenne à un réalisateur et qu’il vaudrait ainsi mieux réaliser 5 bons films que 2 chefs d’oeuvre et 3 navets. A ce compte, Brian de Palma dont la moyenne ne cesse de chuter depuis une vingtaine d’années, ferait bien de ranger sa caméra avant de finir par entrer dans la catégorie des tâcherons.
James Foley est également un cas d’école. Comptant plus de films (très) moyens que de bons films dans sa filmographie, on ne peut pas dire qu’il jouisse d’une aura considérable. Pour être franc, je pensais que l’excellent « At Close Range » etait son sommet et au moment d’etablir mon top des années 90, j’allais oublier Glengarry.

Encouragé à le revoir par un ami (qui tient l’excellent blog cinemadroide), je dois le remercier et battre ma coulpe.

Glengarry c’est tout d’abord un casting exceptionnel, multi oscarisé : Al Pacino (1 oscar)  , Jack Lemmon (2 oscars) , Ed Harris (4 nominations aux oscars) , Kevin Spacey (2 oscars) , Alec Baldwin (1 nomination aux oscars) et Alan Arkin (1 oscar).

C’est ensuite l’adaptation par David Mamet de sa pièce qui reçu le prix Pulitzer du meilleur drame en 1984.

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Pour bien comprendre le ton du film, on peut se référer au titre que lui donnait les acteurs pendant le tournage: « Death of a fuckin’ salesman ». Ces agents immobiliers sont en effet, une version sans scrupules du Willy Loman de la pièce d’Arthur Miller « Death of a salesman » , mise en scène par Elia Kazan, qui reçu elle aussi le Pulitzer du meilleur drame en 1949 puis fut adaptée au cinéma par Volker Schlöndorff.

Par rapport à sa pièce, Mamet a ajouté une scène qui intervient au début du film, durant laquelle Alec Baldwin, qui interprète un cadre envoyé par la direction , se lance dans un numéro incroyable, interpellant chaque vendeur, les rabaissant pour les mettre en compétition.

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Pour dire á quel point cette scène est fantastique et est devenue culte, elle fut parodiée par Baldwin lui – même dans un sketch du Saturday Night Live, diffusé en 2005.

Cette scène donne le ton et permet de mesurer la pression à laquelle sont soumis ces vendeurs, de comprendre ce qui les poussera à se montrer si peu scrupuleux, avec les clients (Al Pacino fantastique de cynisme avec un « piegon » interprété par Jonathan Pryce), entre eux ou avec leurs supérieurs (Jack Lemmon, Alan Arkin, Ed Harris).

Les vendeurs de Mitch & Murray se retrouvent dans une compétition dont le 1er prix est une cadillac, le 2eme un set de couteaux et le 3eme … un licenciement.

Chacun ayant peur de perdre son travail, sera prêt à tout pour récupérer la liste des meilleurs clients (les leads) et voir son nom figurer tout en haut du tableau affichant le montant des ventes réalisées par les vendeurs.

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Parmi eux, Shelley Levene se sent particulièrement menacé, lui qui fut plutôt habitué à être au tableau d’honneur.

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Si je ne devais retenir qu’un seul de ces acteurs qui livrent chacun une partition parfaite, ce serait assurément Jack Lemmon. Il incarne à la perfection, ce vendeur, usé, en fin de parcours mais qui refuse de baisser les bras et que l’on sent prêt à tout pour sauver son job. Il se bat avec l’énergie de celui qui reçut les honneurs et refuse l’injustice qu’on lui fait. Il n’est jamais à court d’arguments pour essayer de convaincre un acheteur potentiel et il le fait avec une (fausse) empathie et une mauvaise foi désarmantes. De tous les vendeurs, c’est celui qu’on voit le plus se battre et auquel on peut le plus s’identifier. Il parvient à maintenir durant tout le film, ce fragile équilibre, permettant à son personnage d’être extrêmement touchant quel que soit ses agissements.

Al Pacino est lui à l’autre bout du spectre et incarne un vendeur hâbleur, cynique, menteur pour lequel on n’éprouve guère de sympathie ou même d’indulgence. Si autrefois Shelley Devene était le numéro 1, aujourd’hui c’est Frank Roma. Al Pacino en garde sous le pied et s’il a des grandes scènes, il ne se lance pas dans un grand numéro, dont il a le secret et qui aurait nuit à l’équilibre du film.

Chaque acteur a sa partition, l’occasion de briller, sans que cela puisse  nuire au bon déroulement du récit et à son rythme. C’est là que Foley démontre qu’il est un grand réalisateur. Son sens du découpage, sa direction d’acteurs, la précision de sa mise en scène lui permet d’éviter les écueils inhérents à une adaptation de pièce et au choix d’une (quasi) unité de lieu (le film se déroulant en très grande partie dans le bureau de Mitch & Murray).

Un casting 5 étoiles,une mise en scène au cordeau et un portait passionnant de ces hommes, en apparence complices de groupes capitalistes dont ils sont en fait les premières victimes, Glengarry Glen Ross est bien un film majeur, le meilleur de son réalisateur et un must see du cinéma US des années 90. 

Ma note: B+

 

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