[CRITIQUE] Creed (2016) – Ryan Coogler ⭐⭐⭐⭐☆

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La mission de « Creed » et de Ryan Coogler était d’abord de ne pas trahir. Que ce soit par cynisme, pour lancer une saga juteuse en surfant sur la nostalgie des fans de Rocky ou par maladresse, ne sachant que faire de la mythologie attachée à cette saga et en se contentant de reproduire les mêmes situations, les mêmes personnages 40 ans plus tard.

Coogler portant ce projet depuis plusieurs années, avant même le succès et la reconnaissance que lui a apporté Fruitvale Station, je ne doutais pas de la sincérité de ses intentions. Sylvester Stallone, le gardien du temple, ayant lui même été finalement convaincu, seules les questions de la « compétence » du casting et de l’opportunité du retour aux affaires de Rocky, restaient en suspens.

Pour Coogler, il fallait d’abord capter l’essence de la saga et faire ce qu’ont fait tous les Rocky, capter le Zeitgeist. Chaque Rocky a en effet été le reflet de son époque, parfois assez maladroitement (5) ou en n’évitant pas la caricature (4), mais chaque nouveau film disait quelque chose de l’évolution de la société américaine.

Le défi n’était pas mince. Creed se devait de reprendre les codes et capter l’essence d’une saga culte tout en arrivant à créer sa propre mythologie, en faisant que les jeunes spectateurs puissent s’identifier à Adonis comme leurs parents le firent avec Rocky.

Il pouvait compter néanmoins sur l’implication totale de Sylvester Stallone, auquel on peut reprocher beaucoup de choses mais certainement pas d’avoir un jour trahi le personnage qui fit de lui une star.

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Refaire revenir Rocky aux affaires pour entraîner le fils de son adversaire le plus charismatique, celui là-même qui relança sa carrière après la mort de Mickey et la lourde défaite contre Clubber Lang puis qui fut « exécuté » sur le ring par Drago,  avait du sens et ce n’est pas pour l’argent ou satisfaire son égo que Stallone s’est autant impliqué dans ce film.

Sans négliger l’importance du scénario, sans lequel ce Creed  aurait eu du mal à trouver une légitimité, j’attendais qu’il passe aussi avec succès plusieurs checkpoints: une bande son galvanisante et qui me reste en tête, une ou des séquences d’entrainement qui me donnent envie de faire des pompes en sortant de la salle, un combat final épique pendant lequel je me surprendrais à éviter et donner les coups en même temps qu’Adonis.

Parce qu’on ne va pas se mentir, c’est aussi ça Rocky.

L’oeil du tigre

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La première très grande réussite de Creed tient au casting de Michael B. Jordan qui, outre le fait qu’il se soit sculpte un corps digne de son paternel, fait partie de ces acteurs qui n’ont pas besoin de passer en force et de surjouer pour incarner leur personnage. Il est Adonis aussi naturellement que Sly était Rocky dès les premiers plans du 1er film de la saga.
Placé en orphelinat après la mort de sa mère (qui fut donc la maîtresse d’Apollo) et n’ayant jamais connu son père, il y a appris à se battre. Adopté par la femme d’Apollo, il a ensuite grandit dans le luxe, reçu une excellente éducation et aurait pu suivre une voie qui semblait toute tracée.

En ce sens, il se démarque de Rocky qui n’a jamais vraiment eu d’autre choix que de devenir boxeur, comme il le confia à Adrian dans une magnifique scène
« My ol’ man, he was never too smart. He says to me, ‘You weren’t born with much of a brain, ya know, so uh, ya better start using your body, right?’ So I become a fighter »

Adonis combat au Mexique, en cachette de sa mère, parce qu’il a la boxe dans le sang et a gardé l’oeil du tigre acquis durant ses années à l’orphelinat.

Michael B. Jordan est aussi convaincant en « civil » qu’en boxeur. Il apporte tout son charisme et son naturel créant une empathie immédiate pour Adonis et sur le ring, il en impose autant que Carl Weathers en Apollo Creed.

Coogler peut ainsi réaliser de superbes plans séquence, notamment lors d’un combat comme je n’en avais encore jamais vu au cinéma.

Si Coogler a soigné sa mise en scène, à la fois fluide, élégante et percutante comme l’était la boxe d’Apollo Creed, il prouve surtout au bout de 20mn qu’il a tout compris et su capter l’essence de Rocky comme je l’espérais. En une scène magnifique, il m’a collé la chair de poule, Adonis se mettant dans la peau de Rocky (et d’une certaine façon de tous les gamins qui comme moi ont grandit avec la saga) pour boxer contre son père.

Yo Bianca, I did it!

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L’autre grande réussite de Creed est d’avoir réussi à faire que l’histoire entre Adonis et Bianca, son Adrian, ne soit pas clichée ou paraisse bien pâle en comparaison de l’inoubliable alchimie qu’on pouvait ressentir entre Rocky et sa belle.

Je craignais que Bianca soit une énième « princesse rn’b » dont la personnalité serait dessinée grossièrement, sa seule fonction dans le film étant de faire semblant de résister puis de tomber dans les bras musclés de son beau boxeur. Tessa Thompson que je ne connaissais pas apporte de la fragilité et de la grâce à Bianca, réellement touchante et qui loin d’être un faire valoir est un très beau personnage qui donne un supplément d’âme au film.

Ce Creed a donc des tripes et du coeur et c’est à dessein que je me suis d’abord attaché à parler de Michael B. Jordan, Ryan Coogler et Tessa Thompson, qui avaient la lourde tâche d’imposer leur style et leur personnalité, de construire la mythologie d’une nouvelle saga.

Mickey Balboa

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Dans cette nouvelle saga, Rocky va donc être le Mickey d’Adonis, son mentor, un deuxième père, celui qui saura le faire se transcender et l’emmener au sommet de son sport.

Ce rôle avait déjà été (assez grossièrement) esquissé dans Rocky V, dans sa relation avec Tommy.
Si comme lui, Adonis doit d’abord convaincre Rocky de le coacher, leur relation va rapidement dépasser ce cadre.
Autant le dire tout de suite, Stallone est bouleversant de bout en bout à tel point qu’il est difficile de ne pas se dire qu’il y a mis ses tripes, que ses larmes ne sont pas feintes , que le film a rouvert des blessures mal cicatrisées.
Chaque Rocky faisait d’une certaine façon écho avec ce qui se passait dans la vie privée de Stallone. Passé comme lui de l’anonymat à une gloire qui faillit le consumer puis le transformer en « has been » avant d’effectuer un retour triomphal et de gagner le respect de tous. Creed suit la même voie.
Rocky fait face à la vieillesse, au deuil et à la maladie; vivant entouré des souvenirs de sa gloire passée et des êtres chers (Adrian, Paulie, Apollo, Mickey) dont il continue de porter le deuil ou de ressentir cruellement l’absence (son fils parti vivre au Canada).

« I fight, you fight »

Avec Adonis, Rocky retrouve l’envie de se battre, lui qui attendait de rejoindre Adrian et dont le seul échec est de n’avoir pu transmettre sa passion et garder son fils près de lui.

Dans une scène qui pourrait être anecdotique, Adonis, qui emménage dans la chambre de Paulie, prend une photo où l’on voit Rocky et son fils, qui est en fait une photo de Stallone et son fils Sage. Plus que la douleur de Rocky parlant de l’absence de son fils, j’ai senti celle de Sly qui devait alors penser à Sage, décédé en 2012.  Cette scène m’a profondément ému comme toutes celles où il évoque le souvenir d’Adrian et de son combat perdu contre le cancer.

À travers Adonis, il s’acquitte aussi de la dette dont il se sent redevable envers Apollo, qu’il n’a jamais pu vraiment remercier pour lui avoir redonné l’oeil du tigre à la mort de Mickey et qu’il n’a pu/su sauver lors de son combat contre Drago.
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Leur relation est très bien écrite et c’est à mettre au crédit de Coogler mais elle est surtout très émouvante en raison de l’implication totale de Stallone et du jeu « sans efforts » de Michael B. Jordan. Plus globalement c’est pour moi la très grande réussite de ce Creed qui dépasse son cahier des charges et n’a pas de scène faible, dans le sens où il ne fait jamais semblant de s’intéresser à tous ses personnages, entre les combats et les entraînements d’Adonis qui sont attendus comme les climax.

C’est là que j’émettrai mon premier et seul bémol.  Rocky c’est aussi un univers musical et les thèmes de Bill Conti, Eye of the tiger, No Easy Way Out, Burning Heart  ont grandement contribué au succès de la saga et à l’émotion, la décharge d’adrénaline, ressenties pendant les combats ou les entraînements. Je disais au début de cette critique que j’attendais que la BO me reste en tête, il n’en est malheureusement rien et je trouve notamment que le thème d’Adonis est raté dans le sens où il échoue à créer l’émotion, alors qu’il est tout sauf « sobre ». Après ce n’est bien sûr que mon avis et j’ai été tellement marqué par les thèmes de Conti, que la barre était probablement difficilement franchissable. Il n’en reste pas moins que je n’ai donc pas eu la décharge d’adrénaline attendue à la fin de la fameuse séquence d’entrainement avant le combat final.

De fait j’étais un peu en dedans et au début du combat, je n’avais pas envie d’en découdre avec Conlan, le champion en titre. C’est aussi dû à sa personnalité, il ne représente pas la même menace que Clubber Lang ou Drago  et n’impose pas le même respect qu’Apollo. Je n’en fais pas forcément le reproche au film, tant l’essentiel n’était pas là. L’adversaire d’Adonis devait être crédible, il l’est mais il n’est presque là que pour le mettre en valeur et lui permettre de livrer un combat d’anthologie.  Puisqu’il y aura donc un Creed 2, il est quasiment certain que l’adversaire sera autrement plus charismatique et redoutable, en tout cas je le souhaite.  Si j’ai eu du retard à l’allumage, la mise en scène de Coogler m’a rattrapé par le col pendant les deux derniers rounds, dont je ne peux parler sans spoiler, mais qui ont déclenché un enthousiasme comme je n’en avais jamais connu dans une salle de cinéma. Les cris et les encouragements du public, ainsi qu’une très belle surprise que je vous laisse découvrir m’ont collé la chair de poule.

Coogler et Michael B. Jordan ont donc largement réussi leur pari, respecté la saga qui a bercé mon enfance et créé de nouveaux personnages dont j’ai très envie de connaître l’évolution dans les prochains films. C’est un quasi sans faute qui me laisse assez admiratif vu l’âge de ces 2 phénomènes. 

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