Le mystère Sono Sion continue et s’épaissit même de film en film. Comment un réalisateur qui enchaine les chefs d’œuvre depuis plusieurs années, peut il encore être aussi mal distribué dans les salles françaises et ne même pas avoir les honneurs d’éditions dvd / bluray dignes de son talent ??
Un film de Sono Sion ca se mérite. Il faut déjà parvenir à le trouver dans une édition dvd plus ou moins correcte ou à défaut quelque part sur internet. Puis il faut se débarrasser de tous préjugés, accepter de se laisser manipuler, de regarder parfois des scènes qui paraitraient totalement gratuites et outrancières chez n’importe quel autre cinéaste mais qui au final font terriblement sens et vous laissent totalement ko.
Avec Himizu, Sono Sion continue de faire voler en éclat l’image policée de la famille japonaise comme il l’avait déjà fait avec brio notamment dans Suicide Club, Cold Fish et Strange Circus.
Vous verrez donc un père ivrogne répéter à son fils qu’il aurait voulu qu’il meurt lors du tsunami, ce qui lui aurait permis de toucher l’assurance ; une mère totalement absente qui du jour au lendemain désertera le foyer familial pour aller vivre avec son nouveau compagnon un destin à la Bonnie & Clyde et sans la dévoiler, une scène (d’une puissance telle qu’elle vous clouera à votre fauteuil) au cours de laquelle Sumida laissera exploser toute sa colère contre son père.
Comme toujours avec Sono Sion, derrière l’outrance se cache l’âme d’un poète punk et au milieu de toute cette folie, une jeune fille répète en boucle un poème de François Villon, notamment un vers qui sera le thème principal de ce film dans lequel ses personnages questionnent sans cesse leur identité : « Je reconnais tout, sauf moi-même ».
Le Tsunami ayant frappé le japon juste avant le tournage, Sono Sion a décidé d’ancrer son récit au cœur de cette tragédie, ce qui lui confère encore plus de puissance. Le ton est d’ailleurs tout de suite donné puisque c’est sur un long travelling au milieu des décombres laissés par le Tsunami que s’ouvre le film.
Dans ce chaos et au milieu de cette famille totalement dysfonctionnelle à mille lieues de tous les clichés sur la famille japonaise, Sumida s’interroge sur le sens de son existence, ne voyant guère d’autre horizon que le suicide. Sono Sion fait se télescoper le destin de Sumida avec celui de Keiko, dont on ne sait pas grand-chose au fond si ce n’est qu’elle a 2 passions dans la vie :
Les poèmes de François Villon, dont un qu’elle répète jusque parfois se plonger dans un état proche de la transe et Sumida qui l’obsède totalement et auquel elle voue un culte sans limite.
Mais ne vous attendez pas à une belle histoire d’amour permettant à Sumida de trouver la voie du bonheur. Ici on est plus proche d’une relation sado maso entre 2 écorchés vifs et Sumida en particulier qui refuse toute l’attention que lui porte Keiko.
Même si cette relation évoluera lentement, ne vous attendez pas non plus à un happy end. Pour autant, on ne peut que se laisser porté par le souffle, le lyrisme qui font contrepoint à la violence toujours latente et omniprésente qui traverse Himizu. Dans quel autre film pourra t’on voir un sdf crier à la mort « dites moi qui je suis?? » alors qu’il s’apprêtait à tuer un chanteur de pop japonaise?
Sono Sion est un immense cinéaste mais bien au-delà c’est un artiste intègre et engagé, un contestataire, un dynamiteur de conventions, un poète punk.